Partant du constat terrible que le dernier budget équilibré de la France date de 1973, le cabinet Deloitte a présenté en février dernier une étude visant notamment à rapprocher la question de l’endettement public des mesures d’amélioration du pilotage et de l’efficacité de la dépense publique en mettant en exergue des pistes d’action possibles.
Se voulant éloignée de toutes prises de position partisane ou idéologiques, cette réflexion permet réellement, bien au-delà des déclarations d’intention, d’apporter plus de lisibilité aux moyens d’action identifiés et d’introduire l’idée de la nécessité de créer « des innovations de rupture » dans les services publics.
Face à une économie dépressive, l’enjeu de la diminution de la dépense publique est sans aucun doute cruciale. Il suffit pour cela d’observer la bataille que se livrent les deux candidats favoris de l’élection présidentielle.
Une des clés proposées par Deloitte repose sur trois niveaux d’action identifiés :
- Diminuer les coûts de non qualité.
- Revoir « de fond en comble » les dépenses d’intervention de l’Etat.
- Explorer l’hypothèse des « innovations de rupture ».
Pour diminuer les coûts de non qualité, encore faut-il les identifier et les réduire tout en maintenant un « haut niveau » de prestations. La réduction des coûts a déjà fait l’objet de mesures importantes au sein de l’Etat avec la mise en oeuvre de la RGPP. Pourtant, l’organisation des ministères reste « peu lisible, avec des schémas organisationnels sources de doublons, d’opacité et générant des coûts de non qualité », constate Gilles Pedini, associé, responsable secteur public chez Deloitte. Trop de verticalité et peu d’agilité là où il est nécessaire de réduire le nombre de directions, de « lignes hiérarchiques » et de raisonner en « organisation projet » dans la transversalité.
Autre levier identifié, celui de l’organisation des achats dans les ministères. Pas moins de 1,3 à 1,5 milliards d’économies à réaliser selon Deloitte sur un budget de 13 à 15 milliards d’euros d’achats standards. Pour Gilles Pedini, le Service des achats de l’Etat (SAE) créé en 2009 a été « trop long à se mettre en place » même si on s’accorde sur 500 millions d’économies générées en 2011. Le constat du cabinet d’audit est sans appel : manque de maturité, nécessité de professionnalisation des acheteurs, de renforcer l’attractivité de la filière pour « attirer de hauts potentiels », de simplifier les procédures…
Pour optimiser les dépenses d’intervention de l’Etat, Deloitte propose de revoir totalement les dépenses d’intervention de l’Etat « très concentrées sur quelques dispositifs coûteux ». D’un côté, une trentaine de dispositifs présentent chacun un coût de plus de 500 millions d’euros et, de l’autre côté, figurent de « très nombreux dispositifs dont les volumes sont très limités » avec « des coûts de gestion élevés » et dont on peut s’interroger « sur le bien fondé d’un tel saupoudrage », a asséné Gilles Pedini avant d’ajouter qu’il fallait aujourd’hui « supprimer des pans entiers de subventions » et « revisiter certaines dépenses à caractère économique ou social » (…).
Selon Deloitte, l’introduction des « innovations de rupture« dans les services publics permettraient de baisser les coûts de manière substantielle et de réorganiser complètement l’environnement. Pour le l’usager final, cela se traduit par des services publics de meilleur qualité à moindres coûts. L’idée est d’appliquer ce mode opératoire issu du privé au secteur public pour sortir des sempiternels débats sur les dépenses contraintes ou embarquées que la pensée commune considère intangibles. Pour innover, Gilles Pedini propose « une autre façon de faire l’administration », dans une logique « d’appel à projets », en facilitant l’accès aux marchés publics des PME/TPE, à même d’apporter des innovations et des réductions de coûts, en renforçant les échanges et la mobilité entre les différentes administrations, entre les secteurs publics et privés et le tiers secteur, en transférant la réalisation opérationnelle de certains services publics au secteur associatif selon une logique de subventions sur appel à projet, en favorisant la remontée d’informations des usagers par des moyens informatiques afin de mieux cerner les besoins et d’adapter les réponses et en mettant en place de petites unités autonomes, à même de lancer des projets en dehors des processus administratifs les plus lourds.
Article écrit pour Acteurs publics.